On reconnaît aujourd’hui la spécificité de l’architecture rurale, adaptée à la fonction agricole, de l’architecture militaire conçue pour la fonction de défense, de l’architecture industrielle attachée aux lieux de production… Parce que la fonction commerciale traditionnelle a été, pendant des siècles, associée, dans des réalisations communes, à la fonction résidentielle urbaine ou parce que la conception des lieux de commerce intégrées a échappé aux architectes notamment depuis les années 30, les devantures commerciales sont considérées comme une simple “décoration”. Nous savons tous, cependant, combien ces “décors” influent sur le paysage urbain des centres de ville et de village historiques ; combien ces aménagements amputent à répétition les rez-de-chaussées -quand ce ne sont les étages– de constructions anciennes que l’on cherche aujourd’hui à réhabiliter ou parfois qui viennent de l’être : combien ils envahissent les façades de leurs matériaux précaires, hétéroclites, clinquants et agressifs, ou leur quincaillerie lumineuse et cinétique.
Devenue éphémère et soumise aux fluctuations des modes, souvent sans rapport avec les besoins véritables de la fonction même quelle est sensé refléter, la devanture est comparable à une affiche publicitaire que l’on fabrique en série, standard, sans souci du lieu où elle est implantée.
Pourtant, la création de devantures, participant pleinement à la construction du cadre bâti, répondant à une fonction bien spécifique, ayant son histoire, mérite d’être réhabilitée au rang véritable d’architecture.
C’est à la reconnaissance de ce titre que s’attache la Direction de l’architecture en développant une campagne de sensibilisation sur ce sujet pour laquelle elle a mis au point divers moyens : exposition itinérante, dépliants, montages audio-visuels et vidéo, jeux-concours pour les enfants et adolescents, plaquette technique (sous le titre “Architecture commerciale en milieu urbain”). En complément, la Direction du patrimoine a lancé une campagne de recensement en vue de la protection des éléments les plus intéressants au titre des monuments historiques. Une centaine de boutiques sont déjà en cours de classement ou d’inscription.
Dans le cadre de cette action, et conjointement avec la Direction du commerce intérieur (ministère du Commerce et de l’Artisanat), la Direction de l’architecture a lancé en 1983 un Inventaire national des boutiques anciennes. Son but principal —au-delà du simple repérage des éléments d’architecture commerciale des époques passées qui aujourd’hui appartiennent, par leur qualité ou leur simple présence, à part entière au patrimoine architectural— est de mieux les connaître pour mieux les apprécier et mieux les faire apprécier :
- connaître leur nombre, leur qualité, ainsi que les caractéristiques locales, régionales de leur composition architecturale ;
- connaître leur état de conservation, de sorte que puissent être analysés les besoins particuliers en matière de travaux de restauration et évaluer statistiquement quels pourraient être les moyens financiers et les procédures administratives à mettre en œuvre pour inciter les commerçants et artisans à sauvegarder in situ et mettre en valeur cette part particulière du patrimoine ;
- constituer un fonds documentaire et photographique disponible pour des actions locales d’information (expositions, publications, prise en compte dans les documents d’urbanisme…)
Pour bien préciser que cette action vise prioritairement la promotion du commerce traditionnel par l’amélioration de son image de marque qu’est l’architecture commerciale, la DA et la DCI ont demandé que cet inventaire soit réalisé par les services d’assistance technique au commerce (ATC) des Chambres de commerce et d’industrie coordonnés par le CEFAC. D’ores et déjà, plus de mille trois cents fiches descriptives sont parvenues au CEFAC, accompagnées parfois (…) de diapositives des boutiques inventoriées, plus de trente-cinq services ATC ont déjà répondu à l’appel et ont couvert plus de cent trente villes.
Bien d’autres villes et villages renferment des trésors dans ce domaine qui n’ont pu être recensés ; il est vrai que la tâche est considérable (notamment dans les grandes villes) et réclame une disponibilité et une compétence particulière. Si vous avez eu, vous-même, lors de vos déplacements dans votre département, l’occasion de noter l’existence de telles boutiques anciennes qui méritent d’être recensées, les ATC de la Chambre de commerce vous seront certainement reconnaissants de le leur faire savoir et nous ne saurions que vous encourager à prendre contact avec eux. Faire prendre conscience aux commerçants, à leur représentants consulaires, à leur décorateur et installateur de magasin et à l’opinion publique en général de l’existence de témoins de l’architecture commerciale des époques passées, ce peut-être le point de départ d’une sensibilisation à la promotion de l’architecture commerciale contemporaine en milieu urbain traditionnel.
Gilles-Henri BAILLY